Église Marie-Madeleine de Neuilly-en-Donjon (Allier, France)
Construite autour des années 1100, l’église Marie-Madeleine de Neuilly-en-Donjon accueille visiteurs et fidèles par un beau tympan réalisé entre 1120 et 1140. Particulièrement bien conservé, celui-ci présente une structure simple et un style épuré qui permettent de le rattacher à l’atelier de Drojon, également responsable des portails d’Anzy-le-Duc et de Chassenard.

À travers ce portail, plusieurs scènes tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament sont représentées :
- Sur le tympan : l’Adoration des mages, épisode rapporté dans l’Évangile de Matthieu, relatant la venue de rois d’Orient auprès de l’enfant Jésus.
- Sur le linteau : à gauche, le péché originel représentant Adam et Eve goûtant le fruit de l’arbre défendu ; à droite, la combinaison originale de la Cène, dernier repas du Christ, avec l’épisode du Repas chez Simon durant lequel Marie Madeleine arrose les pieds du Christ de ses larmes.
- Sur le chapiteau droit, le célèbre Daniel dans la fosse aux lions fait face à une scène pouvant évoquer la chute de Simon le Magicien ou bien le châtiment du mensonge (1).

Une Adoration des mages singulière

Le tympan de l’église Marie-Madeleine présente une formule iconographique inédite, sans précédent ni postérité (2).
Alors qu’ils sont guidés par l’étoile divine, les trois rois mages s’avancent, munis de leurs présents, vers une grande Vierge à l’enfant assise sur un trône. Leurs pieds reposent sur deux créatures ailées qui semblent incarner, avec l’ange derrière la Vierge, les évangélistes Marc, Luc et Matthieu sous leur forme symbolique (3).
L’ange de Matthieu, figuré en train d’écrire, semble consigner cet épisode de l’enfance du Christ, que seul son évangile rapporte…
Autour d’eux, quatre anges soufflent dans de grands olifants (4).
S’agirait-il des anges sonnant les trompettes de l’Apocalypse ? Leur présence dans l’épisode de l’Adoration des mages laisse plutôt penser qu’ils sont venus célébrer le miracle de l’Incarnation du Seigneur, moment où Dieu s’est fait homme en la personne du Christ.
Un programme dédié à trois femmes
Trois figures féminines, au destin complémentaire, sont mises en lumière à travers ce portail : Ève, Marie Madeleine et la Vierge Marie.
La première représente le péché originel et la chute de l’humanité, la seconde, sainte patronne de l’édifice, se tient entre le péché et le salut : en se repentant aux pieds du Christ, elle offre un exemple de pénitence.
Enfin, la dernière, couronnée et assise sur un trône aux côtés de l’enfant Jésus, incarne le modèle à suivre par excellence, le modèle de la rédemption.
Ainsi, le portail déploie une progression symbolique, du péché au pardon et du pardon à la rédemption.

Laura Attardo
Chargée de mission scientifique - Clunypedia
Fédération Européenne des Sites Clunisiens
Doctorante à l'Université Paul-Valéry de Montpellier
Les moines de Cluny et l’image : un discours ecclésiologique à travers les manuscrits enluminés clunisiens (Xe-XIIIe siècle)
clunypedia@sitesclunisiens.org
Notes
- Références des épisodes bibliques : l’Adoration des mages dans Matt. 2, v. 1 11 ; le péché originel dans Genèse 3, v. 6 ; la Cène dans Matt. 26, v. 26 ; le repas chez Simon dans Luc 7, 36-50 ; Daniel dans la fosse aux lions dans Daniel 6, v. 2-29 ; l’épisode de la chute de Simon le Magicien est un récit apocryphe (non reconnu par l’Église) tiré des Actes de Pierre, ch. 32.
- Une formule iconographique est une façon standardisée de représenter un sujet, une scène ou un personnage dans l’art, selon des codes visuels (gestes, attributs, composition) partagés par les artistes et les époques.
- L’absence de l’évangéliste Jean sous la forme d’un aigle interroge. Selon M. AGHEBEN, cette formule rencontre d’autres exemples (Les portails romans de Bourgogne…, p. 288).
- Instruments de musique à vent. Voir par exemple le bel olifant conservé au musée de Cluny daté du XIe siècle : musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/olifant.html.
Illustrations
Fig. 1 : Neuilly-en-Donjon, église Marie-Madeleine, portail occidental (gauche). © J. -F. Amelot 2014 ; Anzy-le-Duc, portail sud (droite). © Cliché M.B, 2004, CC BY-SA 4.0.
Fig. 2 : Neuilly-en-Donjon, église Marie-Madelaine. À droite : Daniel dans la fosse aux lions. À gauche, Chute de Simon le Magicien (?). © J. -F. Amelot 2017.
Fig. 3 : Neuilly-en-Donjon, église Marie-Madeleine. Adoration des mages. © J. -F. Amelot 2014.
Fig. 4 : Neuilly-en-Donjon, église Marie-Madeleine. De gauche à droite : Adam et Eve, Marie Madelaine aux pieds du Christ, la Vierge à l’enfant. © J. -F. Amelot 2012.
Bibliographie indicative
ARROUYE J., « Les douze liaisons symboliques et rhétoriques du sens au tympan de Neuilly en Donjon », dans La liaison, B. ROUGE (Éd.), Actes du huitième colloque du CICADA (4-6 décembre 1997), Rhétoriques des arts, 8, 2008, p. 33-40.
BARRAL I ALTET X., « L'image pénitentielle de la Madeleine dans l'art monumental roman », in Mélanges de l'École française de Rome. Moyen-Âge, 104-1 (1992), p. 181-185 (en ligne : persee.fr/doc/mefr_1123-9883_1992_num_104_1_3223).
BEAUD M., « Neuilly-en-Donjon, église Sainte-Marie-Madeleine. Ces Rois mages venus d'Occident, in Les (rois) mages, Jean-Marc Vecruysse (dir.), Artois Presses Université, Graphè, 20, 2011 p. 59-74 (en ligne : epiphania.hypotheses.org/141).
CAHN W., « Le tympan de Neuilly-en-Donjon », in Cahiers de Civilisation Médiévale, 8/31 32 (1965), p. 351-364. (en ligne : persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1965_num_8_31_1349).
STRATFORD N., Studies in Burgundian romanesque sculpture, London, 1998, vol. 1, p. 249 269.
THEREL M. -L., Le triomphe de la Vierge-Église, Paris, 1984, p. 162-166.